
David Brunet
Capelle-Broucke
Vice-champion demi-fond France en 2018, champion de France vitesse en 2020, David Brunet nous a ouvert les portes de son vaste colombier à Cappelle-Brouck, près de Dunkerque, pour une série de trois entretiens consacrés à son parcours. Aujourd'hui, pour le premier d'entre eux, le sociétaire des Ailes Grande-Synthe, chauffagiste de profession, évoque ses débuts, ses installations, sa colonie...
- Comment avez-vous commencé ?
- Comment avez-vous commencé ?
« Lorsque j’étais enfant, il y avait des pigeons chez mes grands-parents, qui habitaient Grand-Fort-Philippe. Mon père avait des pigeons mais ne jouait pas. Du côté de ma mère et de ma grand-mère, il y avait aussi un pigeonnier. Un oncle m’a aidé, m’a un peu expliqué les bases. Mon premier concours a eu lieu en 1979, à Albert, en Picardie. Je n’avais aucun constateur à l’époque. Deux ans plus tard, je suis allé chez un vieil amateur, un fermier de Gravelines, qui m’avait bagué trois jeunes. J’ai commencé avec ses pigeons. Et puis j’ai bien joué. J’ai même remporté très vite un championnat jeunes. Malheureusement, l’année d’après, on a volé tous mes pigeons, environ une trentaine. Je me suis remis à la tâche ensuite, avec un de mes frères. Les résultats ont commencé à revenir. Et puis, en 1993, j’ai encore été cambriolé. La totalité ! J’ai l’impression que dès que l’on joue bien on attire du monde. A l’époque, pourtant, j’étais en ville, mais ils n’ont eu qu’à escalader le mur. Bref, à nouveau, j’ai dû recommencer à zéro. J’ai joué un peu pendant deux ans, et ensuite j’ai déménagé et je suis parti à Saint-Omer, jusqu’en 2003. En 2008, j’ai rencontré Maurice Cassez, qui était le champion de Calais. Il me dit que, justement, il vient d’arrêter et qu’il a éventuellement quelques pigeons à me revendre. Je saute sur l’occasion et je rachète une dizaine de pigeons. Les résultats ont tout de suite été au top. Finalement, comme je faisais pas mal de progrès, j’ai voulu étendre mon pigeonnier et, cherchant plus grand, j’ai pu l’installer ici, à Cappelle-Brouck, où il y avait beaucoup plus de place. On est alors en 2011... »
- Cappelle-Brouck, c’est donc en quelque sorte un nouveau départ dans votre carrière ?
« Oui, avec des résultats qui ont tout de suite été excellents. Par la suite, j’ai encore investi dans de nouveaux pigeons et, comparé à ceux de Maurice, il n’y avait pas photo. Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi. Toujours est-il que les pigeons de Maurice ne se sont pas adaptés. J’ai même fait pas mal de croisements. Sans grande réussite. »
- Quelles sont vos installations ?
« J’ai quatre colombiers de jeu, deux colombiers de jeunes, qui ne jouent plus. Ma colonie est répartie en colombiers de 12 pigeons et tout est sur caillebotis. J’ai aménagé les volières des femelles par l’arrière. C’est fait maison et c’est très pratique. Tout est réalisé chez moi pour gagner du temps et éviter de passer des heures dans un pigeonnier. Grâce à cette organisation efficace, j’ai maintenant suffisamment de temps pour me consacrer à un projet, celui de démarrer sérieusement les concours de fond. Soit, environ, et dans un premier temps, une quinzaine de longues distances. »
- Et votre colonie ?
- Et votre colonie ?
« Au total, j’ai un peu plus de 150 pigeons, dont 40 vieux et 20 couples de reproducteurs. J’élève environ 120 jeunes par an, que j’éduque moi-même, de sorte à éviter d’avoir des pigeons qui tournent toujours autour du camion. Pour moi, il faut que le pigeon prenne sa direction par ses propres moyens, le plus vite possible. »
- À partir de quelle(s) souche(s) la colonie a-t-elle été construite ?
« Auparavant, lorsque j’étais dans ma précédente habitation, j’avais des pigeons de chez Maurice Cassez, qui était un champion du Calaisis. A Grand-Fort-Philippe, les pigeons marchaient très très fort. Mais, en arrivant ici, à Cappelle-Brouck, les résultats ont été décevants. Par conséquent, j’ai investi sur des pigeons de chez Stickers-Donckers, de chez Hermann, de chez Koopman. Avec ce mélange, j’ai réussi à créer une race à moi et qui se défend vraiment pas mal jusqu’à 400 km. C’est une race que je fais voler depuis dix ans maintenant. »
- Qu’ont-ils de si spécial ces pigeons ?
« Un sens de l’orientation très précis. Dès qu’ils sortent du panier, ils partent directement là où il faut et sont dotés d’un sacré mordant. C’est dû à leur caractère, je pense, mais également au fait de les éduquer individuellement. Et tout cela fait franchement la différence lorsqu’ils deviennent adultes. J’ai pour habitude de faire cesser les carrières de joueurs à l’âge de 5 ans pour que, selon les résultats, certains passent à la reproduction. Lorsque je réinvestis dans de nouveaux pigeons, je le fais sur les meilleurs voyageurs. A partir de là, je teste les pigeons à l’âge de un an, et ainsi de suite. Sur cent jeunes que j’élève, j’en garde une quarantaine. Je ne joue ni les femelles ni les jeunes, car cela représente du travail en plus. »
- Comment s’annonce l’année à venir ?
- Comment s’annonce l’année à venir ?
« Outre le grand fond, je compte me lancer l’année prochaine dans le jeu des femelles. Mon fils, qui a 12 ans, est aussi colombophile. Il s’est lancé dans la vitesse et le demi-fond. Je vais l’assister un peu. D’ailleurs, il se débrouille plutôt bien, même si parfois il est un peu déçu parce que je lui passe devant (rires). »
- Pratiquez-vous le veuvage ?
« Oui, car c’est important de motiver les pigeons. C’est pour moi inconcevable de faire la même chose pendant quatre mois. Le pigeon prend une routine, et comprend très vite qu’il y a un truc. Par exemple, le samedi, ou la veille d’un concours, je les lâche à quelques kilomètres du pigeonnier. »
- Avec quels produits composez-vous votre alimentation ?
« Je donne notamment du Versele-Laga. Globalement, j’évite les mélanges trop riches. Il faut du léger en début de semaine, et du lourd à l’approche des concours. Ici, je ne rationne pas, et je ne nourris pas au casier. Lorsqu’on arrive en fin de saison, j’achète un mélange mue. Ou du grain Bonduelle dès l’hiver, qui a l’avantage d’être moins cher que le Versele-Laga. Selon moi, il y a un régime alimentaire spécifique à la saison. En temps d’élevage, on peut donner du standard, mais il faudra forcément du dépuratif en saison jusqu’au mercredi soir, environ, pour passer progressivement au sport. Je donne beaucoup de thé et de l’ail aussi, pour maintenir les pigeons en santé. C’est d’ailleurs mon premier critère, bien avant les performances. Je regarde notamment la qualité de la plume. Un pigeon en bonne santé est un pigeon assez compact. »
- Comment se passent les entraînements ?
- Comment se passent les entraînements ?
« Environ trois semaines avant les compétitions, je commence par des vols de deux kilomètres, ensuite je vais à Saint-Omer, trois à quatre fois au même endroit, de sorte à ce que les pigeons prennent leur ligne de vol et qu’ils soient le plus direct possible. C’est comme cela que je leur apprends le métier : en répétant plusieurs fois l’entraînement, pour notamment faire comprendre qu’au retour il y a la femelle qui attend. »
- Quels sont vos meilleurs pigeons ?
« Le Turbo 624, dont j’ai hérité cette année. Il a fait plus de dix premiers prix de groupements. Mon Mustang aussi, même s’il est à l’élevage depuis trois ans. D’ailleurs, cette année, je fais As pigeon avec un de ses fils, le 707 2017. J’ai aussi deux fils du Turbo qui sont excellents. Garder la race et le sang, c’est aussi important que d’avoir des résultats sur le moment. Sinon, on est toujours en train d’acheter à droite à gauche. Il faut un peu de chance aussi dans les accouplements. »
- À quoi ressemblerait selon vous le pigeon parfait ?
- À quoi ressemblerait selon vous le pigeon parfait ?
« C’est tout bête : il a un plumage soyeux, il est intelligent, en bonne santé. A ce sujet, je tiens à dire quelque chose qui m’a servi de leçon. J’ai eu, par le passé, d’excellents pigeons que j’ai épuisés à force de compétitions. Il faut faire attention à cela. Je me rappelle également de pigeons qui ne faisaient aucun prix en jeunes mais qui ont été d’excellents compétiteurs plus tard. C’est pour cela que je ne regarde plus trop les compétitions pour les jeunes. Il faut dire qu’aujourd’hui, je trouve, les pigeons sont plus fragiles que par le passé. Ma stratégie, donc, c’est de laisser les jeunes tranquilles. Il faut savoir leur donner le temps de les immuniser. »
- Quelle importance accordez-vous à la pharmacopée ?
« Je me limite au strict nécessaire. Je traite les maladies courantes et je fais les vaccins obligatoires, bien sûr, et éventuellement je m’occupe des voies respiratoires. Pour cela, je donne de l’Adjusol. Je limite au maximum le nombre et la quantité de traitements dès que la saison commence, même s’il faut quand même purger. C’est inévitable. Et j’administre du Levamizol pour les vers. Engager des pigeons dans la compétition sans traitements, ce serait irresponsable. Il y a un minimum, au risque d’en perdre en route. »
- Quelles sont vos compétitions favorites ?
- Quelles sont vos compétitions favorites ?
« Les 200 km. C’est rapide, on perd moins de pigeons, on a du temps libre. Sur les longues distances, on laisse parfois beaucoup de pigeons en route, comme cela m’est arrivé en 2003 : cinq sur le carreau ! Mais je vais quand même tester. Je me donne trois ans pour réussir. Sinon, parmi les 200 km, Pontoise est le concours que je préfère. Clermont aussi. En revanche, je n’ai jamais joué aucun Barcelone. »
- Quels souvenirs gardez-vous de ces concours ?
« J’y ai notamment fait un premier prix, en 1981, à Angerville, avec plus de vingt minutes d’avance. J’ai rejoué ce pigeon le dimanche d’après et il a encore décroché un un premier prix. Malheureusement on me l’a volé en 1983. »
- Que pensez-vous des grandes compétitions internationales ?
« J’ai l’impression que beaucoup y participent davantage pour une question de prestige que de volonté purement sportive même si, à un moment donné, l’un rejoint l’autre. Mais je suis mal placé pour parler car je n’ai encore jamais essayé. »
- Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui débutent ?
- Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui débutent ?
« Il faut démarrer avec de bons pigeons en s’adressant, idéalement, à un amateur sérieux et honnête. Ensuite, il faut être patient : les premiers bons résultats ne viennent qu’après un long cheminement. Il est inutile, également, d’avoir trop de pigeons au début. Il est important aussi de commencer par la vitesse car cela donne de très bonnes bases. Avant toute chose, il faut apprendre à jouer. La colombophile, mine de rien, c’est un métier, même lorsqu’on est amateur. Moi, je me suis fait la main avec les jeunes et j’ai toujours eu en tête de ne griller aucune étape importante. Ensuite, bien sûr, dès qu’on se sent prêt, c’est bien de s’attaquer aux longues distances. Quelque chose aussi à savoir : rarement, au début, un débutant va tomber comme par magie sur des personnes qui vont expliquer clairement comment il faut procéder. On apprend exclusivement par soi-même, en faisant un maximum de tests, d’erreurs, même si on peut bénéficier de conseils pratiques sur l’alimentation, les techniques de jeu... Mais le "comment jouer", pour ainsi dire, ne se transmet jamais aussi simplement qu’on le pense. J’ai lu un tas de livres pour cela, j’ai dû me doter d’une grosse expérience pour être un minimum content de moi. Et puis il faut aimer ce sport. Et ne pas hésiter à faire un break si, pour de multiples raisons, on n’y trouve plus son compte. »
PROPOS RECUEILLIS PAR DAVID SAGOT